Les activités humaines autour du lac ont-elles des impacts sur les lacs d'altitude ?

Les lacs d’altitude sont des milieux d’intérêt pour de nombreuses activités humaines : pour la production d’énergie, en tant que ressource en eau, pour des loisirs … Néanmoins, ces activités ont des impacts plus ou moins importants sur le milieu naturel. La préservation des lacs nécessite de comprendre les conséquences des activités humaines autour des lacs et de proposer des moyens de les limiter.  

Cette fiche est à relier aux questions 15 et 20.

Les prélèvements d’eau

Les prélèvements d’eau sont de manière générale réglementés et définis selon « les capacités du milieu naturel ». Ils impactent néanmoins forcément les quantités d’eau disponibles pour le milieu naturel (lacs, rivières, ...), surtout si ces prélèvements sont importants. Des prélèvements conséquents peuvent conduire à des assèchements, notamment au niveau des zones humides.
Les travaux nécessaires pour faire circuler l’eau (par exemple d’un lac naturel à une retenue collinaire) modifient la topographie des milieux naturels, les travaux de terrassement en amont peuvent conduire au départ de particules très fines et au colmatage des zones humides1.

Station de Val Thorens
Lac du Goléon à 2 458m d’altitude

L'hydroélectricité

Les lacs utilisés pour créer de l’hydroélectricité sont équipés avec des digues de rehaussement, des zones de pompage….
Le premier impact à noter est donc généralement une modification morphologique de la forme du lac, mais aussi un changement au niveau de l’hydrologie et des variations saisonnières de niveau d’eau.
Lors de l’aménagement de ces sites, l’ennoyage des berges a des impacts sur la qualité de l’eau du lac et sur la biodiversité présente sur le littoral. Les espèces inféodées à ce milieu doivent se déplacer pour survivre.
A noter qu’en France, la construction de nouveaux aménagements en lac d‘altitude pour l’hydroélectricité date d’au moins 40 ans, cette phase de changements forts est donc aujourd’hui terminée.
Après cette phase initiale, la gestion du stock d’eau à l’échelle annuelle représente également des enjeux, par exemple sur les niveaux d’eau saisonniers des lacs en réponse aux besoins en électricité de la population (lâchers d’eau en aval des usines).
Pour la plupart des lacs aménagés, le niveau est bas en hiver et remonte à son maximum dès la fonte de la neige puis reste à cette hauteur durant le printemps et l’été, cela a donc peu d’impact sur la biodiversité des berges du lac.

Le pastoralisme

L’image des moutons ou des vaches au bord des lacs de montagne est bien connue. Le pastoralisme en montagne est une activité menée depuis des siècles (voir question 6), ancrée dans les territoires et qui a profondément modelé les paysages au fil du temps.
Selon le niveau de pâturage et le nombre de bêtes autour du lac, les conséquences sont très différentes. Le pâturage engendre de faibles impacts sur les lacs. Mais le surpâturage a de nombreuses conséquences car il modifie la dynamique des nutriments du bassin versant et peut faciliter des apports supplémentaires d’azote dans le lac. Ce qui impacte tout le réseau trophique (voir question 8) : concentration en chlorophylle, diversité du plancton, transparence de l’eau … 2.

Le piétinement par le bétail peut également augmenter l’érosion du bassin versant et donc l’arrivée de sédiments dans le lac.

L’impact des troupeaux est donc à étudier selon la pression de pâturage et à relativiser avec les autres impacts, notamment avec la pollution liée aux changements globaux (voir question 17).

Mouton au bord du lac de Pormenaz

Au lac du Lauzanier, plus de mouton à l’amont du lac

Le vallon du Lauzanier est, historiquement, pâturé depuis des siècles (voir question 6).
Récemment, le pastoralisme s’est arrêté dans le haut du vallon. Depuis 2017, plus personne n’utilise l’alpage en amont et autour du lac.
Ce changement sera sûrement visible dans l’état chimique de l’eau du lac d’ici quelques années, notamment au niveau des concentrations en azote et en phosphore. Les pelouses autour du lac changent peu à peu d'état, notamment au niveau des zones de couchade des troupeaux.

Lac du Lauzanier (Mercantour)

D’autres activités humaines peuvent engendrer des pollutions sur les sites sensibles. Il s’agit par exemple, des rejets liés à la fabrication de fromage en alpage, notamment concernant les eaux de rinçage des systèmes de traites, appelées les « eaux blanches ».

Ces eaux sont, en concentration, plus riches en matières organiques que les effluents domestiques et nécessiteraient d’être traitées même pour les petits élevages de montagne avant rejet en milieu naturel… Mais pour les sites isolés, ce traitement est complexe à mettre en place. 

Refuge et autres bâtiments

De nombreux refuges sont présents au bord des lacs de montagne, ce sont des lieux emblématiques. Souvent très isolés, les refuges sont des espaces d’accueil, au confort réduit mais aussi des lieux de partage et de transmission des savoirs sur la montagne.
L’impact majeur des refuges sur les lacs et autres milieux naturels de montagne concerne les rejets d’eau usées. En effet, il y a de manière générale, peu de traitement fonctionnel des eaux usées en montagne. Le traitement des eaux est complexe du fait des faibles températures, des longues périodes d’inactivité (automne/hiver/printemps) et du redémarrage rapide nécessaire.
Les toilettes sèches dans les refuges se développent de plus en plus, ce qui résout le problème du traitement de l’eau mais pas celui du devenir des boues.
Si les eaux usées, très riches en nutriments, sont rejetées telles quelles dans le milieu naturel, l’impact peut être majeur sur les petits plans d’eau et zones humides d’altitude. Ces milieux naturellement pauvres en nutriments ont une très faible capacité de dilution, ils sont rapidement enrichis avec les apports extérieurs.

Refuge et lac de Vallonpierre

Le Refuge de la Muzelle

Le changement du système d’assainissement du refuge a permis de réduire la pollution organique qui arrivait dans le lac. En 1982, deux fosses avaient été installées. Jusqu’en 2006, ces fosses septiques étaient le point noir polluant du lac. En 2006, le système évolue avec 2 fosses, 2 bacs de décantation et un filtre à charbon ce qui a réduit considérablement la pollution liée aux rejets du refuge.

Refuge et lac de la Muzelle
Quelques exemples d'activités autour des Lacs Sentinelles

Les concentrations en azote et en phosphore sont parmi les paramètres chimiques suivis dans le cadre du réseau Lacs Sentinelles.
Ces informations sur l’état chimique de l’eau peuvent parfois être reliées aux activités humaines autour du lac.

Bivouac dans le Valgaudemar

Le bivouac

Planter sa tente, une idée de liberté et d’autonomie, une manière de sortir des sentiers battus mais aussi une pratique inhérente aux activités de montagne (et qui se répand de plus en plus surtout suite aux confinements de l’année 2020).
Les places de bivouac sont parfois au bord des lacs ou de rivière. L’utilisation de produit (savon, crème solaire…) est à proscrire pour éviter les pollutions locales.
Enfin, finalement comme pour la randonnée, tant que le nombre de bivouaqueurs au bord d’un lac est faible, il y a peu d’impact. Les fréquentations grandissantes de ces dernières années ont poussé les gestionnaires d’espaces protégés à créer des aires de bivouacs pour regrouper les tentes et éviter des dérangements pour la flore et la faune.

La fréquentation du bord du lac : randonnées, baignade …

Le lac d’altitude est le point d’arrivée de nombreuses randonnées (voir question 16), dont certaines sont très parcourues.
La randonnée au bord des lacs est globalement peu impactante sur le lac, mais les impacts sont conséquents en cas de surfréquentation (voir question 20) :

  • Pollutions avec des déchets
  • Les zones de pique-nique et aires de bivouac sont potentiellement plus riches en nutriments, ce qui augmente les risques d’enrichissement du lac 3 (voir question 3).
  • Dérangement de la faune
  • Piétinement des berges : les berges et littoraux des lacs d’altitude sont des lieux refuges pour de nombreuses espèces.

 

 

 

 

 

  • Erosion des sentiers, notamment les abords de chemins de randonnées qui nécessitent parfois des actions de revégétalisation. La randonnée engendre également parfois l’arrivée de nouvelles espèces invasives (voir question 13) 4.

Pour la baignade, la question des impacts se pose pour les lacs sur-fréquentés où la baignade peut entraîner des pollutions (par exemple via la crème solaire) et un brassage des sédiments du lac.

En conclusion, la plupart des usages des lacs ont des conséquences sur les milieux. Cependant, elles sont extrêmement dépendantes de l’intensité des pratiques.
Réfléchir de manière globale et systémique permet souvent de mieux adapter les usages et donc de limiter les impacts sur la biodiversité et les écosystèmes en général.

En Savoir plus

(1)    A. Evette, L. Peyras, H. François, et S. Gaucherand, « Risques et impacts environnementaux des retenues d’altitude pour la production de neige de culture dans un contexte de changement climatique », rga, no 99‑4, 2012, doi: 10.4000/rga.1471.
(2)    R. Tiberti, M. Rogora, G. Tartari, et C. Callieri, « Ecological impact of transhumance on the trophic state of alpine lakes in Gran Paradiso National Park », Knowl. Managt. Aquatic Ecosyst., no 415, p. 05, 2014, doi: 10.1051/kmae/2014030.

 (3) R. Liedtke et al., « Hiking trails as conduits for the spread of non-native species in mountain areas », Biol Invasions, vol. 22, no 3, p. 1121‑1134, 2020, doi: 10.1007/s10530-019-02165-9.

(4) A. Senetra, P. Dynowski, I. Cieślak, et A. Źróbek-Sokolnik, « An Evaluation of the Impact of Hiking Tourism on the Ecological Status of Alpine Lakes—A Case Study of the Valley of Dolina Pięciu Stawów Polskich in the Tatra Mountains », Sustainability, vol. 12, no 7, Art. no 7, 2020, doi: 10.3390/su12072963.

 

Fiche 19 : Les activités humaines autour du lac ont-elles des impacts sur les lacs d’altitude ?