Un lac peut-il disparaitre ?

Comme tous les systèmes naturels, les lacs sont des écosystèmes en évolutions, ils se forment et disparaissent naturellement à une échelle de temps longue voir très longue !
Les lacs avec barrages (artificiels ou naturels) peuvent par contre disparaitre rapidement si le barrage cède.

Comment évolue un lac ?

Les lacs évoluent en permanence en lien direct avec leur bassin versant. Les sédiments et la matière organique, par érosion et écoulement, se déposent dans le lac. De manière totalement naturelle, une grande partie des lacs sont donc voués à se combler, en raison de processus lents et progressifs.

Selon le taux de sédimentation du lac et son enrichissement, le comblement sera plus ou moins long. Dans la plupart des cas, plusieurs milliers d’années s’écoulent avant qu’un lac se comble totalement.

Pour les lacs d’altitude, le taux de sédimentation est souvent beaucoup plus élevé que pour les lacs de plaine. En effet, peu de végétation retient l’érosion du bassin versant, qui est souvent pentu et très minéral. 

Chaque orage apporte son lot de sédiment : au lac d’Anterne, en juillet 2007 des fortes pluies ont engendré un apport de 2,3 cm en moyenne d’un limon gris foncé au fond du lac1. L’étude des carottes de sédiments permet de mesurer les taux de sédimentation pour des périodes actuelles et passées (voir question 6).  

Erosion sous l’Aiguille du Goléon

Etudes de comblements - Lacs du réseau Lacs sentinelles

Le lac du Lauzanier

Le Lac du Lauzanier (Parc National du Mercantour)

Ce lac se comble progressivement. Par le passé, le lac devait être beaucoup plus grand, notamment dans la zone du delta. Aujourd’hui, le delta du lac est totalement comblé de sédiment et est devenu une zone humide.

Le lac Blanc du Carro (Parc national de la Vanoise)

Le glacier du Carro, situé en amont du lac, apporte des farines glaciaires (résidus de roches) qui comblent peu à peu le fond du lac. Ce lac aujourd’hui peu profond (6 mètres) risque donc de se combler plus rapidement que son voisin le lac Noir du Carro. 

Lac Noir (au premier plan) et Blanc du Carro

Et si le lac est trop riche en nutriments ?

Si l’eau du lac s’enrichit en matière organique et donc en nutriments comme le phosphore et l’azote, l’état du lac change. Le lac oligotrophe (pauvre en nutriments) peut ainsi évoluer progressivement vers un état mésotrophe (moyennement riche en nutriments), puis eutrophe (très riche en nutriments). L’eutrophisation a de multiples conséquences sur la vie du lac et modifie totalement la biodiversité inféodée à un écosystème plus pauvre en nutriments.

L'eutrophisation : Le saviez-vous ?

Lorsque les eaux d’un lac s’enrichissent en nutriments, certaines algues prolifèrent et créent un apport de matière organique au fond du lac quand elles se décomposent. Cet apport (en excès) est une source d’énergie pour certaines bactéries qui consomment de l’oxygène. A grande échelle et si l’eau du lac circule peu, ce processus peut entraîner une absence d’oxygène au fond du lac.
Les algues en décomposition s’accumulent alors sur le fond et l’état écologique du lac se dégrade. La « zone morte » au fond du lac est critique pour toutes les espèces vivantes qui respirent dans le lac.

Macrophytes sur le Plateau du Fourchu

En plaine, l'exemple du lac Léman

En plaine, l’eutrophisation des lacs peut être largement favorisée par les activités humaines, comme le rejet des eaux usées ou l’utilisation d’intrants en agriculture... Dans les années 1970, ce phénomène a été bien compris au bord des grands lacs alpins, notamment au lac Léman où le déclin de certaines populations de poissons comme le corégone a été observé du fait des fortes concentrations en phosphore.
Des mesures pour limiter la quantité de nutriments rejetés dans le bassin versant ont été prises, comme la construction ou la modernisation des stations d’épuration, l’interdiction du phosphate dans les lessives d’abord en Suisse en 1987 puis en France en 2007 ² ...

Et en montagne ?

En montagne, la plupart des lacs sont oligotrophes. Les concentrations en azote et en phosphore sont très faibles par rapport aux lacs de plaine, et il y a peu de risque d’eutrophisation du milieu. Cependant, attention aux rejets et pollutions, car les lacs d’altitude sont des systèmes fragiles ! De nouveaux rejets riches en nutriments dans leur bassin versant peuvent rapidement dégrader l’état du lac. Par exemple, si les eaux usées d’un refuge sont rejetées dans un lac de montagne, l’état du lac peut rapidement se détériorer.

Les lacs d'altitude vont-ils disparaître avec le Changement Climatique ?

Avec le changement climatique, les étés sont globalement plus secs et plus chauds dans les Alpes : ce qui engendre de nombreuses conséquences dans le lac et dans son bassin versant (voir question 12 et question 18). L’érosion des bassins versants, la fonte des glaciers et du permafrost.... vont profondément modifier l’état des lacs .... mais les lacs d’altitude ne vont pas tous disparaître des montagnes pour autant ! Selon les vallées et le climat local, certains lacs vont disparaître, d’autres vont s’agrandir, ... Et la fonte des glaciers et du permafrost va entraîner la formation de nombreux nouveaux lacs d’altitude (voir question 2).

 

 

 

 

 

 

Lac en partie asséché et vue sur la glacier d'Arsine

Des plans d'eau d'altitude qui disparaissent l'été...

Certains plans d’eau d’altitude s’assèchent l’été (ce ne sont donc pas des lacs – voir question 1). Pour autant, ils ne disparaissent pas totalement : ils se reforment chaque année lors de la fonte des neiges au printemps.
Souvent, ces zones ne sont pas alimentées par des cours d’eau pérennes du fait du contexte hydrologique et géologique, elles sont alimentées seulement par les pluies et la fonte des neiges.
Avec des canicules plus régulières et des étés plus chauds et secs, le nombre de plans d’eau asséchés et les périodes d’assèchement devraient augmenter avec le changement climatique. 

Pour en savoir plus

(1) C. Giguet-Covex, « Contribution des sédiments laminés lacustres à l’étude des changements environnementaux Holocène», thèse de doctorat, université Savoie MontBlanc, 2010.

(2) S. Jacquet, O. Anneville et I. Domaizon, « Evolution de paramètres clés indicateurs de la qualité des eaux et du fonctionnement écologique des grands lacs périalpins (Léman, Annecy, Bourget) : Etude comparative de trajectoires de restauration post-eutrophisation.», Archives des Sciences, 2012.

Fiche 3 : Un lac peut-il disparaître ?