Les lacs de montagne se réchauffent-ils avec le changement climatique ?

Le changement climatique en montagne

Sur l’ensemble de l’arc alpin, l’augmentation des températures semble se dérouler à un rythme deux fois plus rapide que celui constaté à l’échelle mondiale. Entre 1900 et 2020, la tendance d’augmentation est supérieure à +2°C à l’échelle des Alpes françaises1.

Pour la plupart des grands lacs de plaine, le changement climatique entraîne une augmentation de la température de l’eau du lac. D’après une étude récente menée sur plus de 300 de ces lacs, depuis 1980, la température moyenne des eaux de surface des lacs a augmenté de 0,38 °C par décennie2.

L’augmentation des températures de l’air a de nombreuses conséquences en montagne et n’épargne pas les lacs et leurs bassins versants.
La hausse des températures de l’air entraîne souvent une augmentation de la température de l’eau du lac ce qui a des conséquences sur la vie dans le lac (voir question 12), mais aussi sur les processus physiques du lac. Même si le lien entre température de l’air et température de l’eau est plus complexe pour les lacs de montagne que pour les lacs de plaine, avec le changement climatique, la tendance est à l’augmentation de la température de l’eau des lacs d’altitude.
Et quand l’eau du lac se réchauffe, de nombreux processus sont modifiés, autant au niveau biologique pour les espèces qui y vivent ou en dépendent que sur les processus physico-chimiques du lac.

Le changement climatique est aussi la cause de modifications plus globales, qui impactent de manière plus ou moins directe les lacs. Par exemple :

  • Les débits des cours d’eau qui alimentent les lacs changent : certains cours d’eau sont à sec l’été ;
  • La quantité de neige et de glace dans le bassin versant est moins importante actuellement que dans le passé. Or la neige du bassin versant alimente le lac lorsqu’elle fond ;
  • La fonte du permafrost et des glaciers du bassin versant s’accélère. Dans certains cas, un plus grand volume d’eau froide alimente donc le lac. Dans d’autres cas, le recul de la glace est tellement important que l’eau froide s’écoule dans d’autres vallées et n’alimente plus le lac.
Lac d'Anterne (Haute-Savoie)

Des données historiques comparées aux données actuelles

Les données recueillies par le chercheur Jean-Louis Edouard3 permettent de comparer certaines mesures et observations de 1980 à celles d’aujourd’hui. Il avait par exemple étudié les durées de périodes en glace des lacs.

Lac Merlet :

  • Dans les années 1980 : 9 mois de glace
  • Aujourd’hui : entre 6.5 et 7.5 mois

Lac Noir du Carro :

  • Dans les années 1980 : 9 mois de glace
  • Aujourd’hui : entre 7 et 7.5 mois

Lac de Bresses inférieur :

  • Dans les années 1980 : 8 mois de glace
  • Aujourd’hui : entre 7 et 7.5 mois

 

Même si les données anciennes sont bien moins précises que celles qu’on peut mesurer actuellement, elles nous donnent néanmoins des tendances et des informations vis-à-vis des changements de ces 30 dernières années.

Lac de Bresses inférieur
Lac Merlet
Lac Noir du Carro

Les mesures actuelles

Le réseau Lacs sentinelles a mis en place des capteurs dans les lacs qui mesurent toutes les heures la température de l’eau. Cette installation permet de connaître la température de l’eau même durant l’hiver où les accès aux lacs sont impossibles. Ces données sont aussi utiles pour comparer les années entre elles et observer les tendances de réchauffement des eaux.

Ainsi, avec ces capteurs, les scientifiques peuvent définir précisément certaines informations permettant de préciser la dynamique thermique des lacs d’altitude, comme la date où la glace se forme dans le lac, la date où elle fond, ou encore la température maximale durant l’été.

Ces données peuvent être étudiées et mises en perspective par rapport aux données météo. Par exemple, on peut étudier les conséquences de vagues de chaleurs estivales sur la température de l’eau comme durant les étés 2015 et 2019 :

  • En comparant avec les données des années précédentes, l’eau de surface du lac d’Anterne a été en moyenne de + 3°C durant l’été 2015 ;
  • Pendant la canicule de 2019, certains lacs se sont réchauffés de + 8°C par rapport à leurs moyennes habituelles. A l’inverse, d’autres lacs alimentés par l’eau de glacier ou du permafrost se sont réchauffés de « seulement » 3°C, car l’eau qui alimente ces lacs est restée froide puisqu’elle est issue de la fonte de la glace4.

Des études scientifiques ont été menées sur ces données dite de « haute-fréquence » (car les mesures sont effectuées chaque heure) des « lacs sentinelles ».

Les premiers résultats montrent que durant les années « chaudes » 5 (lorsque la température de l’air est plus élevée que la moyenne) :

  • La température de l’eau de surface du lac est plus élevée ;
  • La période glacée du lac est plus courte (la glace fond plus tôt au printemps) ;
  • La température maximale de l’eau de surface atteinte dans l’été est plus élevée ;
  • La phase de stratification de l’eau en été (voir question 5) se renforce et dure.

Le saviez-vous !

La température maximale atteinte sur les 20 lacs suivis : 19°C !

Cette mesure a été relevée durant les étés 2018 et 2019 au lac de Pormenaz et ce chiffre est la température à 2 mètres de profondeur. En surface la température à donc dû dépasser les 20°C.

Ça donnerait envie de s’y baigner ! Mais attention, en se baignant dans les lacs on risque parfois de les dégrader (voir question 19)...

Le lac de Pormenaz

Le lac de l’Arpont (Vanoise), un changement brusque de température

Le lac de l’Arpont est situé à plus de 2600 mètres d’altitude en dessous du glacier du même nom. Des capteurs de températures sont installés dans le lac depuis 2016 et mesure la température tous les jours de l’année.

Avant l’été 2019, la température de l’eau est toujours comprise entre 0 et 6°C. Dès 2019, la courbe atteint des températures beaucoup plus élevées : jusqu’à 13°C !

Comme le montrent les photos, en 2019, le glacier de l’Arpont a tellement reculé que ses eaux froides n’alimentent plus le lac : les eaux du glacier descendent maintenant par une autre vallée. Le lac est donc en train de subir de profonds changements, tant d’un point de vue physique (car la température de l’eau est un paramètre déterminant de nombreux processus) que d’un point de vue biologique.
Les quelques espèces végétales et animales qui s’étaient adaptées aux conditions très froides du lac vont être progressivement remplacées par des espèces plus habituelles des lacs d’altitude.

Evolution des température au cours des années au lac de l'Arpont
Le lac de l'Arpont en 1989
Le lac de l'Arpont en 2018

En Savoir plus

(1) Agate, Observatoire du changement climatique, 2020 https://agate-territoires.fr/domaines-dintervention/environnement-develo... [consulté en juin 2021].
(2) S.F. Jane, G.J.A. Hansen, B.M. Kraemer et al,  « Widespread deoxygenation of temperate lakes. », Nature 594, 66–70, 2021
(3) J.-L. Edouard, « Les lacs d’altitude dans les Alpes françaises : contribution à la connaissance des lacs d’altitude et à l’histoire des milieux montagnards depuis la fin du Tardiglaciare », Thèse de doctorat d’Etat spécialité géographie, Université Joseph Fourier, Grenoble, 1994.
(4) A. Claudepierre, « Réponses des lacs d’altitude à des événements climatiques chauds. », UMR CARRTEL, 2019.
(5) J. Becquet, « Fonctionnement physico-chimique et biologique des lacs d’altitude en réponse à certaines caractéristiques des bassins versants », Réseau Lacs Sentinelles/Asters, Université Savoie Mont-blanc, 2018.

  • Y. Guenand, « Rôle de l’hydrologie sur la variabilité saisonnière hydro-biogéochimique d’un lac alpin.  Cas des lacs alpins naturels ou équipés pour la production hydroélectrique. », Thèse de doctorat, Chambéry, 2016.
  • L. Råman Vinnå, I. Medhaug, M. Schmid, et D. Bouffard, « The vulnerability of lakes to climate change along an altitudinal gradient », Commun Earth Environ, vol. 2, no 1, p. 35, déc. 2021.

Fiche 18 : Les lacs de montagne se réchauffent-ils avec le changement climatique ?