Y a-t-il des poissons dans les lacs de montagne ?

Oui, il y a des poissons dans de nombreux lacs de montagne. Les premières traces historiques documentées d’introduction de poissons dans les lacs de montagne datent du Moyen Age (14ème siècle dans les Pyrénées et fin du 16ème siècle dans les Alpes). Historiquement, les poissons servaient de réserve de nourriture pour les personnes vivant en alpage l’été 1.

C’est à partir du 20ème siècle que la pêche s’est généralisée en montagne, et aujourd’hui, l’alevinage des lacs de montagne vise à maintenir des populations de poissons pour ce loisir.

Dans les années 1990, le nombre de poissons présents dans les lacs de montagne a atteint son maximum, après plusieurs décennies d’augmentation. A cette époque, les « peuplements d’eaux vierges » sont largement préconisés, les études scientifiques évaluent le potentiel piscicole de chaque lac 2.

 

Comment les poissons arrivent-ils dans les lacs de montagne ?

Hormis quelques très rares cas, la présence de poissons est due à l’intervention humaine. En effet, les poissons des cours d’eau ne peuvent pas coloniser les lacs d’altitude car la plupart du temps des barrières physiques empêchent les poissons de remonter jusqu’aux lacs (exemples : cascades, blocs rocheux …).

Le peuplement artificiel des eaux en poissons est appelé « alevinage ».

L’alevinage, qui traditionnellement s’effectuait à dos d’homme (pour certains lacs depuis l’époque médiévale) se fait aujourd’hui pour une grande partie par héliportage (depuis les années 1960).

 

Pêche au filet dans le lac Gentau (64) en 1907

L’activité piscicole a perduré même après la création des espaces naturels protégés comme les Parcs nationaux (contrairement à la chasse pour certains sites). Seuls les alevinages sont soumis à autorisation des services de l’État.

Malgré cela, l’alevinage non autorisé est une pratique encore répandue même dans les espaces naturels protégés, ce qui complexifie la gestion de cette faune piscicole.

La présence de poisson dans un lac est souvent associée à un lac en « bon état », mais pour les lacs d’altitude ce n’est pas toujours le cas.

Les poissons sont-ils adaptés aux lacs de montagne ?

Les poissons qui s’adaptent le mieux aux eaux froides (voir question 5) des lacs de montagne sont les salmonidés.

L’acclimatation des poissons peut être mesurée selon leur croissance et leurs capacités de reproduction. Plus les poissons se développent rapidement, plus on peut qualifier le lac où ils se trouvent de « productif ».

A l’inverse, dans certains lacs, la croissance des poissons est très lente et faible, cela aboutit souvent à des morphologies atypiques. Cet accroissement peut être mesuré par l’âge de maturité sexuelle des poissons, ce qui constitue un paramètre fondamental pour la future évolution de la population piscicole.

 

Le saviez-vous ?

L’âge des poissons est évalué à partir des structures osseuses qui enregistrent des alternances de croissance (rapide en été et lente en hiver) : comme les stries d’accroissement que l’on trouve sur les arbres.

Mesure de poissons au lac du Mont Coua

Parmi les poissons qui sont fréquemment introduits dans ces lacs, on peut citer l’omble chevalier, le saumon de fontaine, le cristivomer, la truite fario et la truite arc-en-ciel.

  

Truite fario du lac d’Anterne
Saumon de fontaine

Les poissons sont introduits dans les lacs de montagne depuis de nombreuses années, et certains sont largement adaptés à cet environnement. Afin de préserver le patrimoine naturel, il convient de réaliser une gestion piscicole durable 3.

Vairons dans le lac de Pétarel

Parmi les techniques de pêche, on peut noter l’utilisation de vairons vivants comme appâts pour la pêche, la première introduction connue dans les Pyrénées datant de 1970. Cette espèce est généralement introduite par les pêcheurs relâchant les appâts vivants inutilisés à la fin de l’expédition de pêche.

Elle s’acclimate aisément dans cet environnement, possède une forte résistance aux conditions difficiles et s’y développe plus facilement que la truite.

Omnivore et vorace, le vairon se nourrit de mollusques, de larves d’insectes et d’œufs de batraciens. Il s’adapte très bien dans les lacs d’altitude mais n’a aucun intérêt d’un point de vue piscicole.

 

Plus rarement, la loche peut également servir d’appât et s’acclimater au lac d’altitude, comme par exemple dans le lac de la Corne sur le plateau des Sept Laux en Isère.

Faut-il continuer d’introduire des poissons dans les lacs de montagne ?

La question de l’introduction de poissons dans les lacs de montagne est épineuse et divise toujours les acteurs 4. D’un côté, la pêche en altitude est une activité locale et touristique. De l’autre côté, l’introduction de poisson est considérée comme une empreinte anthropique supplémentaire sur ces écosystèmes 5.

D’un point de vue piscicole, l’introduction de poissons dans les lacs de hautes altitudes est complexe : du fait des faibles températures de l’eau, de nombreuses espèces introduites ne s’acclimatent pas aux conditions de ces lacs. De manière générale, il est important de faire un état des lieux de la faune piscicole déjà présente afin de choisir des alevins à introduire de la même espèce 3.

De même, afin de limiter les maladies et les parasites, il est recommandé de se fournir auprès d’un pisciculteur agréé sanitairement.

Dans tous les cas, il est nécessaire d’effectuer des suivis de ces populations.

 

Enfin, d’autres questions se posent par rapport aux espaces naturels : quelles sont les conséquences de l’introduction de poissons dans les lacs de montagne ?

En effet, la présence de poissons perturbe les écosystèmes endémiques (voir question 10).

Les poissons du lac de Plan Vianney :

Un fonctionnement « au ralenti »

Au lac de Plan Vianney (Parc national des écrins), malgré les conditions et les 7 mois de gel dans l’année, une population de poissons survit dans ce lac situé à 2250 mètres d’altitude. 

Le lac a été aleviné par le passé, il abrite actuellement des ombles chevaliers et des saumons de fontaine. Il n’est plus aleviné depuis 1975 mais les populations de poissons ont survécu.

Plusieurs études ont été menées sur ces poissons 6. De nombreuses campagnes d’analyses des poissons menées par le laboratoire d’hydrobiologie de Marseille montrent que les populations de saumon de fontaine se développent « au ralenti » : longue période immature, très peu de femelles parviennent à maturité sexuelle.

Lac de Plan Vianney
Mesure des poissons suite à une pêche électrique

Pour en savoir plus...

(1) D. Galop, « Aux origines du peuplement piscicole des lacs d’altitude des Pyrénées », Laboratoire Géode/ CNRS, 2020. /www.truites-et-cie.fr/article/environnement-gestion/leurre-mouche-toc/fr... [consulté en mai 2021]

(2) J.-P. Martinot et A. Rivet, Lacs de montagne. « Mieux connaître et bien gérer » . Chambéry : Parc national de la Vanoise, 1986.

(3) J. Coulombier, « Vers une gestion piscicole durable en cœur de parc », Parc national de la Vanoise - Agence française pour la biodiversité - Fédération départementale de pêche 73, 2019.

(4) B. Loheac, A. Caudron, et J. Guillard, « Communautés piscicoles introduites des lacs d’altitude : approches scientifiques et influences idéologiques », rseau, vol. 32, no 1, p. 39‑50, mai 2019, doi: 10.7202/1059879ar.

(5) M. Ventura, R. Tiberti, T. Buchaca, D. Buñay, I. Sabás, et A. Miró, « Why Should We Preserve Fishless High Mountain Lakes? », in High Mountain Conservation in a Changing World, vol. 62, J. Catalan, J. M. Ninot, et M. M. Aniz, Éd. Cham: Springer International Publishing, 2017, p. 181‑205. doi: 10.1007/978-3-319-55982-7_8.

(6) L. Cavalli et R. Chappaz, « Etude hydrobiologique d’un lac de haute altitude du Parc national des Ecrins - le lac de Plan Vianney (Oisans) », Université de Provence, laboratoire d’hydrobiologie, Ecrins, Rapport d’étude, 1994.

Fiche 9 : Y a-t-il des poissons dans les lacs de montagne ?